mercredi 19 décembre 2007

Les Fêtes arrivent

C’est bientôt Noël. Dans tout Fortaleza,on est prêt pour la fête. On peut y apercevoir quantité de lumières, de décorations et de guirlandes de toutes sortes. Pour ma part, il ne manque plus que la neige. En périphérie de la ville, dans la favela de Rosalina, on se prépare pour une cérémonie funéraire. Depuis mon arrivée, il y a de cela deux mois et demi, j’ai conté sept morts dans cette communauté de 6 000 habitants. En calculant que la majorité de ces 6 000 personnes sont des enfants et qu’il existe environ 1500 familles : ça fait beaucoup de morts en peu de temps. On ne s’habitue malheureusement pas à ces nouvelles. C’est bientôt Noël, je pars en vacances dans deux jours, je finalise des trucs dans la communauté et eux sympathisent encore une fois avec la mort. Je ne sais dire si c’est la fatigue qui me fait cet effet mais aujourd’hui, Rosalina paraît plus triste que jamais.

« Nous n’avons malheureusement pas vraiment de bons souvenirs à raconter à propos de Rosalina si ce n’est que du moins, nous possédons enfin un endroit qui nous appartient. Nous avons une maison. » C’est ce que m’a raconté Nerta, de l’association communautaire de Rosalina. Depuis la formation de la communauté il y a 10 ans, les conditions de vie se sont beaucoup améliorer mais il reste encore du chemin à faire. Le taux de violence et de criminalité reste encore élevé. On parle d’ailleurs de cette histoire un peu partout. La mort hier de cet homme. À ce qu’on en dit, 5 personnes seraient entrés en pleine nuit dans la maison de celui-ci. Ils l’auraient tiré par 3 fois à la tête. Sa femme et sa fille étant dans la maison lors du crime. Une histoire de dette de drogue en concluent plusieurs. « Vers 4h du matin, tout le monde était dehors à regarder la scène. Les gens ici sont très curieux. », me raconte ensuite Alex, étendu dans un hamac. « Lorsque j’ai fait cette chose ici. Tout le monde est sortie pour voir ce qui se passait aussi.» La première fois que j’ai rencontré Alex, il me servait un café. Aujourd’hui il attend patiemment que sa plaie se referme. Cette chose dont Alex parle est sa tentative de suicide. Digne de toute histoire tragique, ce jeune homme possède déjà un fils. Celui-ci vient tout juste de naître. La mère du nouveau-né a 36 ans, lui 17. Il y a de cela deux semaines, il a tenté de s’enlever la vie. Étendu dans son hamac, il ne parlera pas plus de cette histoire, mais l’énorme cicatrice sur son ventre parle d’elle-même.

La journée continue ainsi, je me promène dans les rues pour aller faire une autre entrevue. Le même bruit de fond de la communauté est présent. Des enfants crient, jouent, pleurent. Une petite fille ne cesse de pleurer, et personne ne daigne la consoler. Elle est seule à l’intérieur, les voisins crient bientôt à la mère. Elle arrive tranquillement pour constater l’état de sa fille. Résultat : rien de bien énervant. Encore une fois, j’essaie de garder mon calme et continue mon chemin, impuissante. Si ce n’avait été que de moi, j’aurais immédiatement consolé cette petite mais on doit respecter les règles et l’on n’arrive pas ici voulant changer le monde du jour au lendemain.

Des histoires comme ça, j’en entends toutes les semaines. Comment se fait-il que ces gens vivent cette réalité. Des jeunes filles qui ont des enfants à l’âge de 14 ans, des maris qui boivent, une violence banalisée. On se promène ici et on le voit dans leur visage. Une sévérité transparaît. Ils sont marqués par la dureté de la vie. Leur expression est forte tout comme leur tempérament. Les enfants sont à la fois jeunes trop jeunes pour vivre en adultes et trop vieux pour rester enfants. Ils doivent se débrouiller seuls la plupart du temps. Toute la journée, ils sont laissés à eux-mêmes. Il y a l’école bien sûre mais seulement en matinée ou en après-midi. Le reste du temps, ils le passent à errer dans les rues. Vers l’adolescence, certains se tournent vers le commerce de la drogue pour obtenir plus d’argent. Et lorsqu’ils persévèrent et continuent d’étudier, ils sont encore victimes de grands préjugés telle cette jeune fille qui a gagné une bourse pour étudier. Arrivée à l’école, on procède aux présentations. Elle se présente : Nom, prénom, habitante de la communauté de Rosalina. La fille assise près d’elle change de place. C’est bien connu, être assis près d’un pauvre dans une salle de classe est dangereux!


Pourtant, tout le monde ici garde espoir parce qu’il y en a. La criminalité diminue tranquillement et la ville de Fortaleza y travaille d’arrache pied. Outre les habitations qu’on y construit, on procède à un immense travaille de sensibilisation en y implantant des projets durables. On y a fondé cette coopérative de couturière, on y donne des cours d’artisanat fait à partir de papier journal recyclé et l’on mise sur le développement social de la communauté même. Bref tout ce processus est très lent, mais pour changer une communauté ça prend du temps, énormément de temps.

Dans la coopérative, la où il y avait cérémonie funéraire hier, on y prépare une fête aujourd’hui. Dans une salle à part, Mme Neusa, responsable de la coopérative, me fait part de ces craintes. « Si jamais la mairesse de Fortaleza perd les prochaines élections, tous ces projets vont tomber à l’eau. De plus, dans un mois, les machines à coudre retourneront d’où elles viennent et nous? Qu’allons-nous faire ensuite? Comment allons-nous continuer sans matériel? » À cette préoccupation, nous restons sans réponse. Sur ce, on nous appelle pour aller manger du gâteau et j’entends cette chanson si bien connue : « Joyeux Anniversaire! ». Ainsi se termine la journée, rires, applaudissement, joie, meilleurs voeux pour l’année qui vient. Sur le chemin du retour, je reste sans mot, incapable de dire si cette journée fut bonne ou mauvaise.

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